U PONTE A U LARICIU ( A LERGE ).
CLASSE AUX MONUMENTS HISTORIQUES
TYPE STRUCTURAL : PONT EN ARC
SITE: ALTIANI – HAUTE-CORSE
TRAVERSE: TAVIGNANU
CONSTRUCTION: XVIème SIECLE
DONNEES TECHNIQUES:
- MATERIAUX : ARCS EN PIERRE
PILES EN PIERRE
- DIMENSIONS:
* LONGUEURS DES TRAVEES : 12,00 m – 15,00 m – 9,00 m
* LARGEUR DE LA POUTRE: 2,60 m
CLASSEMENT MH. : JANVIER 1977
CHRONOLOGIE: - DESTRUCTION ( Forte crue du Tavignanu): 1697
- RECONSTRUCTION: 1698
- ELARGISSEMENT DU TABLIER: 1780
Le pont d'Altiani est situé sur la N 200, entre Corti et Aleria. Il enjambe, de ses tois arches, le Tavignani, le second fleuve de la Corse. Né du Ninu, à 1747 mètres d'altitude, l'impétueux Tavignani, long de 80 kilomètres, arrose Corti. Grossi de plusieurs affluents comme la Restonica ou le Vecchju, son lit s'élargit, nécessitant, à partir d'Altiani, des ponts de plusieurs arches.
5 croquis du pont réalisés en 1988 et 1989 par RENAUD REMUSAT, maître d'oeuvre.
Le pont d'Altiani est classé Monument Historique depuis janvier 1977. Son histoire est bien connue grâce aux recherches de Monsieur Pierre Lamotte. Au cours de l'hiver 1697, une crue avait emporté le vieux pont situé au même emplacement, construit en schiste noir et formant un ensemble avec la chapelle San Ghjuvanni Battista où les bergers et « les pauvres qui sont en voyage » trouvent refuge et réconfort.
« Le gouverneur Ambroggio Imperiale ordonna de procéder immédiatement à la reconstruction du pont. Le 9 février 1698, un contrat est passé avec les « maîtres » Silvestro Ricci, Bernardo Verina, Matteo Vacca et Simone Giannettini qui s'engagent à terminer le nouveau pont dans l'année, suivant le plan et les instructions prescrits par le contrat.
Le pont devait reposer sur trois piliers d'une superficie de 12 palmi carrés chacun, et d'une hauteur, au-dessus du niveau de l'eau, de 10 palmi; construits en pierres taillées sur toutes leurs faces et munis d'éperons longs de 6 palmi, larges de 6 et hauts de 8. Il comporterait trois arches longues respectivement de 40, 48 et 57 palmi, et larges de 12 palmi à leur base et de 10 palmi au moins à leur sommet, le tout en bonnes pierres de taille reliées par de la chaux.
Les murs des flancs du pont devaient être construits en pierres de grand appareil, taillées sur leur face apparente et être longs de 174 palmi, hauts de 17,5 palmi et épais de 2,5 à 3 palmi. Entre ces deux murs, le remplissage serait fait de bonnes pierres noyées dans la chaux. Chaque arche comporterait 9 clés de fer. Le parapet devait avoir une hauteur de 1 à 3 palmi. Enfin, le pont devait être pavé sur toute sa longueur.
Le prix convenu pour ces travaux est de 3800 livres payables en plusieurs fois de telle manière que les entrepreneurs aient reçu la totalité de cette somme lorsque le travail sera terminé et reconnu bon par des experts. Les frais de la construction incombent à la communauté d'Altiani qui sera taxée et qui devra également fournir et apporter à pied d'oeuvre le bois nécessaire aux fondations du pont. Les entrepreneurs garantissent leur travail pour un an et s'engagent, si le pont venait à s'écrouler avant un an - sauf « in caso di diluvio » - à le reconstruire ou à le faire reconstruire à leurs frais ».
Le pont tel qu'on le voit aujourd'hui a subi des modifications importantes. Sa structure demeure celle de 1698, elle même reprise sur celle du XVIème siècle, mais des travaux réalisés en 1780, peu après le rattachement à la France et la création du corps des ingénieurs des ponts et Chaussées, ont permis d'élargir le tablier du pont. La méthode employée, identique à celle utilisée pour les ponts de Corti, Ponte Novu, Ponte Leccia, ponte Francardu, respecte parfaitement le cadre initial. Elle s'adapte merveilleusement à l'architecture de l'ouvrage. Le parapet est démonté durant l'été 1780, des consoles de schiste noir, placées en saillie sur le mur permettent d'édifier de chaque côté du pont une corniche large d'une cinquantaine de centimètres. Des arcatures ornent la base du nouveau garde fou. Des refuges pour piétons sont aménagés au droit des piles. Désormais de gros attelages peuvent emprunter le pont et de petits s'y croiser. Après son agencement de 1780, le pont d'Altiani est encore plus beau. Avec ses piles massives, protégées d'amples éperons, renforcées au-delà des becs par de larges bandes de pierres formant renfort et rempart. Le pont couronné par un encorbellement aux formes géométriques simples, s'intègre merveillleusement dans le paysage. Avec son allure sobre et fière, soulignée par sa tonalité sombre, il donne l'impression d'une fortification apparemment à l'abri de tous les risques venant de l'eau et des hommes.
En réalité les poids lourds menacent le pont et la petite chapelle qui veille près de lui. Les vibrations ont tendance à créer des fissures, des infiltrations d'eau sont apparues et la commune d'Altiani se bat depuis de nombreuses annés pour obtenir la construction d'un nouveau pont destiné aux camions; le pont actuel resterait alors réservé aux voitures légères et aux piétons.
Jean-Marie HOMET
« Les ponts de la Corse »
Dans sa « Monographie de PIEDICORTI-di-GAGHJU », voilà ce que rapporte Antoine LUCCIONI, au sujet de ce pont:
Bien que le pont d'Altiani ne dépende pas de Piedicorti, il convient d'en parler en raison de son importance dans le passé de la pieve de Rogna.
Le pont de « à Lerge » est mentionné par Giustiniani; il existait, donc, déjà, vers 1500, et probablement bien avant, contrairement à ce que semblent penser certains auteurs qui le datent du XVII ème siècle.
Souvent emporté par les crues ( un pin lariciu qui le brisa, serait à l'origine de son nom), il a été refait en pierres entre 1680 et 1710.
M. Lamotte lui a consacré une petite étude intéressante. Confiés à d'excellents entrepreneurs, par contrat, en 1698, les travaux devaient coûter 3800 livres et être terminés en deux mois. Le plan-devis était d'une grande précision: nature et qualité des matériaux, garanties de toutes sortes... etc. Les « arcatures » du parapet, qui donnent à cet ouvrage son aspect esthétique très remarqué, ont été ajoutées; elles avaient pour objet... d'élargir le pont en soutenant les parapets. De très nombreux litiges sont apparus, à cette époque, sur la participation aux dépenses des diverses communautés, et, en particulier, Piedicorti, qui se faisait tirer l'oreille:
* Visite d' Ettore FIESCO ( mai 1701).
Piedicorti demande à être exonéré de sa participation à la reconstruction du pont d'Altiani, « la communauté construisant, elle-même avec celle de Pancheraccia, un pont à leur usage ». Au cours de cette visite,le Gouverneur génois examine la demande du maître maçon Matteo Vacca qui s'était plaint de ne pas avoir reçu son salaire. Il intime aussi l'ordre au Lieutenant de Corti d'incarcérer les récalcitrants.
* Visite de F. de MARINI ( mars 1709).
Le sergent d'Altiani obtient que les « Padri Anziani » et les Podestats soient mis en demeure d'acquitter leur dette de 368 livres restées impayées, pour la reconstruction du pont d'Altiani. On décide une imposition de 13 sous et 4 deniers par feu.
* Visite de A. SALUZZO ( novembre 1726).
Ordre est donné pour qu'une taxe soit imposée d'office aux communautés qui refusent de payer leur quote-part du pont reconstruit.
Comme on peut le voir, ce pont n'a pas cessé d'empoisonner la vie des Gouverneurs génois dont les menaces ne semblent pas avoir eu beaucoup d'effets auprès de nos Anciens.
DERNIER DOCUMENT DECOUVERT :
- Bientôt le nouveau pont -
Le pont d'Altiani a subi l'outrage des ans.
Appelé par les Anciens « u ponte à lerge », il s'agit d'un pont muletier, en dos d'âne, élevé par les Génois. Sa dégradation, qui s'est aggravée avec le heurt des parapets en pierre par des poids lourds, rend nécessaire la construction d'un nouvel ouvrage. Celle-ci a été décidée par la collectivité Territoriale. Cette réalisation conduira à rectifier la R.N. 200 et à aménager les abords de l'ancien pont. Le nouveau pont, d'une longueur de 115 mètres, franchira le Tavignani par un arc de 42 mètres d'ouverture. Il sera réalisé par bétonnage. Une aire de stationnement est prévue afin de permettre aux usagers de s'arrêter et de descendre de voiture pour admirer le site: l'église San Ghjuvanni Battista et les deux ouvrages: l'ancien et le nouveau pont.
Exemple de dégradation récurrente
(photo " Campa in Altiani ")
Maquettes du nouveau pont
coupe du nouveau pont
