LA VIE RELIGIEUSE A ALTIANI.

 

 

 

MISSIONS APOSTOLIQUES:

En 1520, a lieu la visite de Monseigneur Agostino Giustiniani, évêque du Nebbiu, qui, à notre connaissance, réalisera, à cette occasion, la première description de la Pieve De Rogna. L'on peut donc imaginer, sans prendre de trop grands risques, qu'il a du faire étape à Altiani.

En 1589, Monseigneur Mascardi effectue une Mission Apostolique dans la Pieve de Rogna. Il fait halte sur notre Commune. Il se rend à l'église dite "Pieve", située non loin du pont d'Altiani. La description qu'il en donne sera mal interprétée et fera, sans doute, naître la confusion, qui existe encore de nos jours, entre cet édifice et la Chapelle San Ghjuvanni de ce même pont.

En 1742, se déroule une nouvelle Mission Apostolique qui eut un grand retentissement dans toute l' île, celle de Léonard de Port-Maurice. Invité, le 4 septembre, par les quatre Capucins du Couvent de Pedicorti-di-Gaghju à faire un "triduum" sur la demande de la population du village, il fit la promesse de venir. Extrêmement fatigué par sa tournée précédente qui l'avait conduit, non sans peine, dans le Fium'Orbu, il prit, néanmoins, la route, le 8 octobre, pour  tenir son engagement. Epuisé, il dut faire une halte à Altiani, avant de reprendre le chemin de Pedicorti. Mais il ne put effectuer son prêche et, sans tarder, il repartit, en chaise, pour Zuani. Il mérita le nom de " le grand missionnaire de notre temps "et fut canonisé.

CONTESTATION ENTRE ALTIANI ET PEDICORTI:

Cette contestation avait pour objet l'attribution du titre de "Pievan" ou Doyen.

Le Conseil Supérieur de l'Île eut à en connaître le 26 juin 1781, et donna raison à Altiani.

"... L'Eglise d'Altiani doit jouir du titre de "Pievanie", d'autant plus qu'on a remis le bénéfice simple à l' église San Ghjuvanni avec le titre et que le curé assiste aux Assemblées Provinciales, malgré les protestations du "pievan" de Pedicorti..."

Effectivement, ce titre n'avait été donné seulement qu'en 1742, sans inscription au greffe, selon une coutûme qui n'avait rien de juridique. Il est certain que la première église de la Pieve de Rogna a été construite aux environs du Pont d'Altiani, probablement au lieu dit "Pieve". On peut discuter pour savoir s'il s'agit de l'édifice dont il subsiste une abside, ou d'un autre dont il ne serait rien resté. Mais, en tout état de cause, Pedicorti ne pouvait présenter aucun argument sérieux, à moins de prétendre que la première église était celle de Sant'Antone, au pont de Pedicorti.

 En 1802, le Pievan d'Altiani était Ghjeseppe Luccioni,Docteur de la Sainte Loi, natif de Pedicorti-di-Gaghju.

- D'après Antoine Luccioni, dans sa monographie de Pedicorti - 

 

LES FETES DU PASSE:

 

 

Procession d'enfants du village, à Altiani (Années 50).

 

- Le dimanche des Rameaux ( E Palme) avec ses branches d'oliviers et ses fameuses "crucette".

- La Procession nocturne du Vendredi Saint: les villageois plaçaient des bougies sur les fenêtres. Ainsi chaque maison et chaque ruelle étaient éclairées. Le gisant du Christ mort était porté en procession par les hommes uniquement, suivi par la statue de la Vierge, vêtue de noir, dont se chargeaient uniquement les femmes. La procession partait de l' église de l'Annunziata et faisait le tour du village. On chantait en particulier le " Perdona mio Dio".

 

vierge-en-deuil.jpgstatue de la Vierge en deuil

 - Le Dimanche de Pâques ( Pasqua) : les cloches ne sonnaient pas en signe de deuil, aussi les enfants appelaient-ils à la Messe en faisant le tour du village, en actionnant les " raniche" (crécelles-moulinets de bois très bruyants). La sortie de la Messe était ponctuée de tirs de mousquéterie et de sonneries de cors. Le curé, accompagné des enfants de choeur, passait dans chaque maison pour la bénédiction. Les habitants leur donnaient de l'argent. Le repas qui suivait était composé autour de l'agneau ( agnellu), le plat principal.

- Le Lundi de Pâques avec sa Merendella, repas champêtre accompagné de "michette" et autres pâtisseries.

- La Saint-Michel, habituellement fêté le 29 septembre mais honoré le 8 mai à Altiani avec sa procession jusquà la chapelle, sa messe suivie, là aussi, d'un repas champêtre jusqu'en fin d'après-midi.

 

 

chapelle San Michele

 

- Le jeudi de l'Ascension précédé par les 3 journées des Rogations au cours desquelles on effectuait des promenades dans les champs afin d'y planter les Croix bénies.

 

Phpbnl1uc

L' HERBE DE L' ASCENSION

Le jeudi de l'Ascension, l'on se doit de cueillir l'herbe dite de l'Ascension, sta arba di l' Ascenzione qui pousse dans les murs, entre les rochers. Il s'agit du « SEDUM ETOILE POURPRIER » dont les feuilles sont très petites et qu'il faut cueillir avec ses racines.

St'arba hè chjamata ancu : risu o uva canina. A mane di u ghjornu di l'Ascinzione, innanzu ch'ellu surtissi u sole, e donne andavanu à coglie l'arba di l'Ascinzione. Iss'arba vene in i muri, annantu a i scogli. Hà e fronde chjuche. Ci vole à cogliela cù e so radiche. S'appicava a pianta à un muru, in casa. L'arba fiuria quaranta ghjorni. S'ella ùn fiuria micca ghjera gattivu segnu. " L'arba secca éra brusgiata
u Sabatu Santu incu l'ovu di l'Ascinzione, i rami d'alivu e i palmi. A mane à nov'ore s'accindia u focu accantu à a casa, si mittia tuttu in drentu è si ni facia tre volte u giru".


Cette herbe est appelée aussi : risu ou uva canina. Le matin du jour de l'Ascension, avant le lever du soleil, les femmes allaient cueillir l'herbe de l'Ascension. Cette herbe pousse dans les murs, sur les rochers. Elle a des feuilles toutes petites. Il faut la cueillir avec ses racines. On accrochait la plante la tête en bas à un mur intérieur de la maison. Pendant quarante jours, la plante fleurissait. Les jours suivants, les tiges remontent lentement. Puis la plante fleurit le jour de la Saint-Jean (24 juin) et se conserve jusqu'à Sainte-Anne (26 juillet).
 Si elle ne fleurissait pas, c'était mauvais signe. " L'herbe sèche était brulée le Samedi Saint avec l'oeuf de l'ascension, les rameaux d'olivier et les palmes. Le matin à 9 heures on allumait le feu près de la maison, on mettait tout dedans et on en faisait trois fois le tour.

 

L' OEUF DE L'ASCENSION

 

Il y a également l'oeuf de l'Ascension qui possède lui aussi ses vertus magiques. L'œuf doit, bien entendu, être pondu précisément le jour du Jeudi de l'Ascension, sinon il n'a aucune vertu.

Phénomène magique ou don de Dieu ?

La première caractéristique de l'œuf de l'Ascension est qu'il est imputrescible. En effet, l'œuf de l'Ascension, à la différence des œufs ramassés à d'autres périodes de l'année, s' il est cassé l'année d'après a simplement séché, il n'a ni pourri ni dégagé durant ce temps aucune odeur de décomposition.

Sa seconde vertu est, dit-on, de préserver les habitants de la maison de plusieurs maladies, ou à tout le moins de diminuer leur fréquence ou leur gravité.

Quand il est posé sur le rebord d'une fenêtre, Il protège également les membres de la famille qui se trouvent éloignés du foyer,

L'œuf de l'Ascension protège enfin les habitations de la foudre et des incendies. Il détourne l'éclair et éteint les flammes qui menacent de destruction l'ensemble d'une bâtisse.

(source: Corsica News)

 

- Le Dimanche de Pentecôte qui met un terme à la période pascale.

- La Fête-Dieu, le deuxième dimanche après la Pentecôte:de nombreux autels étaient dressés dans chaque quartier du  village. Le Saint Sacrement était conduit en procession d'autels en autels. Au passage, à chaque autel, on lançait des pétales de roses. 

 

autel.jpgAutel de quartier

 

 

- La Saint-Jean, le 24 juin, avec sa procession et la Messe dite à la Chapelle du pont à Lerge. Le soir, on allumait un grand feu sur la place au-dessus duquel  les villageois se plaisaient à sauter.

 

 

 

Messe à la chapelle San Ghjuvanni                                                                                                               

 

                                                                   Feu de San Ghjuvanni

 

Mais, autrefois, feu de la Saint-Jean rimait aussi avec asphodèle!

Claire TIÉVANT et Lucie DESIDERI le rappellent dans leur "Almanach de la mémoire et des coutumes" (Albin Michel):

"En effet, avant la mise à feu du bûcher, les jeunes gens partaient en groupe dans la campagne pour ramasser les fameux taravelli (asphodèles).
A chacun sa provision de munitions! Rentrés au village, ils alignaient les asphodèles à proximité du bûcher, et lorsque ce dernier était enflammé, plaçaient un à un les bulbes dans le feu en tenant la plante par sa tige; quand la chaleur était jugée suffisante, on les retirait du feu et on les frappait violemment contre une pierre. Cela produisait une petite explosion digne d’un pétard!
Le lendemain matin, jour de la Saint-Jean, chaque famille revenait chercher dans le tas de cendres les tisons restants. Conservés dans les maisons, ces tisons de la Saint-Jean ont des vertus protectrices importantes. Autrefois, lorsqu'on dépiquait le blé après la moisson, on ne négligeait jamais l'usage de planter l’un de ces tisons dans le tas de blé qui était ainsi mis à l'abri du vol et des sorciers. (…)

6a00d8345167db69e200e54f5be0908834 800wi

Asphodèles

Aucune plante médicinale n'est aussi efficace, dit-on, que lorsqu'elle a été ramassée le matin de la saint-Jean, à l'aube. Et cela n'est pas particulier à la Corse. Dans toutes les régions françaises, la tradition veut qu'à cette heure précise, les vertus des plantes soient exaltées. C'est pourquoi l'on procède à une cueillette extrêmement matinale pour faire provision d'arbe salutivare (d'herbes médicinales).

Selon les pièves, on attribue à san Ghjuvà l’une de ces plantes.
C'est souvent le millepertuis appelé erba sanghjuvannina ou encore fior di san Ghjuvanni ;
mais cela peut être aussi la saponaire (fior di san Ghjuvà) ou bien d'autres encore. (...)

Millepertuis hypericum inodorum magical passion

 

37ksg3ll0bms4gwskwogokw8w source 13054847

 

 

 

 

Millepertuis                                                                                                                         Saponaires

Chaque paese avait jadis ses propres coutumes concernant les plantes de la Saint-Jean.

Dans certaines localités, on fabriquait ce jour-là des crucette (petites croix) avec les fiori di san Ghjuvà (achillée mille-feuille) pour aller les planter dans les jardins.

029e017005912196 c1 photo oytoxontzoje6incio2k6njcwo30 achilee millefeuille
Achillée mille-feuille  

Dans d'autres pieve encore, on allait cueillir de préférence la mauve ou malba dont les feuilles étaient utilisées au cours de l'année pour faire des tisanes efficaces contre la toux. On faisait des bains de bouche et on lavait les enfants avec la tisane de ses fleurs."

Mauve musquee sol secMauves

Pour terminer, nous nous devons d' ajouter à cette liste les fameuses immortelles ( murze).

20170624 081458A murza

BONNE CUEILLETTE!

 

- La Saint-Alexis, le 17 juillet, avec sa procession à la chapelle suivie d'une Messe.

 

 

   

                                                       

9.jpg

 

Sant'Alesiu

  

 

- La Sainte-Marie, le 15 août, avec sa Messe et la Procession où sa statue était portée par les femmes uniquement.

 

Procession de Santa Maria

 

 

 

     000435-497756g3991a413xe9dbe0-d-550x413-copie.jpg

 

- La Saint-Roch ( patron d'Altiani), le lendemain 16 août, avec sa Messe et la Procession où c'était au tour des hommes de porter la statue. On effectuait alors la distribution des "panucci", petits pains bénits, appelés également "sarrucchini". La coutûme voulait qu'on en mange un et que l'on en garde un toute l'année à la maison pour la protéger du Mal. L'après-midi avaient lieu les réjouissances habituelles, jeux pour enfants, concours de tir, "china", concours de boules et, enfin, le soir, une loterie et le bal tant espéré.

 

 

 

Procession de San Roccu

 

 

- La Toussaint(I Santi), le 1er novembre, avec la dégustation des célèbres tourtes aux herbes.

 

 

 

Devant le four communal

 

- Le Jour des Morts, le lendemain, où l'on fleurissait et illuminait les tombes de ses défunts avec des bougies.

 

 

Illumination des tombes

 

- La Noël (Natale) et son grand feu sur la place de l'église après la messe de Minuit. Ce jour-là, c'était le plus souvent le cabri (u caprettu) qui était au menu.

 

 

Personnages de la crèche

 

        ##########

 

UN SAINT ALTIANAIS

 

 

Dans l'ouvrage " Saintes et Saints de Corse " de Patrick ROSSELLO, paru

 

aux Editions DCL, en 2005, on peut lire:

 

 

img003-1.jpg

 

    * A la page 197, dans le chapitre intitulé  "Calendrier des Saintes et Saints corses":

 

         "1er juillet

 

   Modestu d'Altiani

 

 à Piedicorte-di-Gaggio

 

   ( Capucin - 1739 )"

 

    * A la page 204, dans le chapitre "Vénérables Capucins":

 

    "Modestu d'Altiani

 

             1720"

 

 Définition de " Vénérable":  premier degré de la canonisation des Saints. Il est accordé dix ans, au moins, après la signature par le Pape du décret d'introduction de la cause. Celle-ci peut alors être poursuivie jusqu'à la béatification et enfin la canonisation.

 

#######

 

   U SARGENTE

GHJUVAN GHJESEPPE PAOLI D' ALTIANI 

 

 

Dans un ouvrage collectif, édité chez Alain Piazzola, en 2000, intitulé  "Les Servites de Marie en Corse", voici ce que nous pouvons lire aux pages 530-531:

 

 

img002-1.jpg

 

 Citons ainsi l'aventure survenue au convers Anton Giuseppe de Moriani, d'après son témoignage enregistré devant notaire (1). En 1723, se rendant aux aires à céréales de la plaine d'Aleria pour demander la charité, il vint à plusieurs reprises au procojo de Casabianda appartenant aux frères Spinola de Gênes. L'exploitant de ce domaine, le Sargente Giovan Giuseppe Paoli d'Altiani, l'y reçut à chaque fois avec charité et gentillesse. L'un des employés du procojo vint un jour demander au religieux s'il ne voulait pas, pour lui faire plaisir, aller en secret trouver le signor Ignazio Francesco Casevecchie de Bastia et faire une attestation contre le dit Paoli (2). Le convers refusa la proposition, en répondant " qu'il ne pouvait pas dire du mal de ceux dont il avait reçu des faveurs", et disant au corrupteur: " Je m'emmerveille de la manière dont vous osez demander à un frère de jurer le faux". Fra Anton Giuseppe se présenta par contre devant un notaire pour raconter les faits et surtout dénoncer les calomnies répandues sur le sargente Giovan Giuseppe, accusé par quelques personnes malignes d'avoir battu le religieux, "ce qui est contraire à la  vérité" puisque le convers fut toujours accueilli avec courtoisie et générosité, toutes ces médisances ne pouvant provenir que des ennemis dudit Paoli, "d'hommes de peu de charité et mauvais chrétiens" (3).

 

(1) En date du 5 juin 1724 cf. 3E 1/1148. f° 61 v°

(2) Casevecchie devait être l'homme de confiance des Spinola en Corse.

(3)                                                                                                                                                                                            haut de page