L'EGLISE SANTA MARIA NUNZIATA.

 

 

 

La Vierge Marie

 

SANTA MARIA ANNUNZIATA ( 25 mars)

 

La dévotion à l' Annunziata a existé au Moyen-Age en Corse, mais avec un bien moins grand nombre de sanctuaires que ceux dédiés à l'Assunta; sur les 36 églises actuellement placées sous ce vocable ( 70 sont consacrées à l'Assunta), toutes ne remontent pas à cette époque, mais quelques unes seulement: par exemple, celle qui existe encore, ruinée, à Sant'Andrea di Cotone, sous le titre de Santa Maria Nunziata, date peut-être de l'époque carolingienne, à en juger par le style de ses maçonneries.

Ce culte paraît s'être développé en Corse surtout à la fin du Moyen-Age, - à peu près en même temps d'ailleurs que celui de l'Immaculée Conception – mais, il existait précédemment.

L'auteur de la Vie des Saints, souligne qu'au 25 mars, « il se forma un culte religieux pour le jour de la conception de Jésus Christ, qui fut universellement observé vers la fin du Vème siècle dans l'Eglise grecque et dans l'Eglise latine... », «  En Occident, la plus ancienne mention de la fête de l'Annonciation à Rome, remonte seulement au pape Sergius I ( mort en 701)... Les martyrologues du temps de Charles le Chauve... eurent, au 25 mars, le titre Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie, ainsi que le martyrologue romain ».

  Dans l'église de la confrérie Santa Croce, à Bastia, une belle peinture (1633) du florentin Giovanni Bilivert représente l'Annonciation, et deux statuettes en bois ( XV ème siècle) forment le groupe de l'Ange et de la Vierge annoncée; à Calvi, le centre d'un triptyque, signé de Barbagelata (1498), figure le même thème.

 Dans l'église Sant' Agnellu, à Roglianu, un tableau de Franciscus Gimignamus, daté de 1633, montre le donateur, Mariani, aux pieds de la Vierge annoncée, entre Sant'Antone et San Sebastianu; à Crocicchja, la composition est particulièrement élégante.

A Concigliu, hameau de Barretali, le culte de l'Annunziata est attesté dès le XIIIème siècle. Mais il est possible qu'il ait déjà été présent en ce lieu dès l'époque carolingienne; il se pourrait aussi que l'église de Santa Maria Annunziata d'Ogliastru ait été une plébanie avant le XIème siècle.

 Cette dévotion s'est par la suite amplifiée: plusieurs chapelles de hameaux sont sous le titre de l'Annunziata: celle de Carticasi est un exemple parmi bien d'autres; comme celle de Peri ( vers 1460) ou de Morosaglia, elles ont été fondées au XVème siècle. Le joli triptyque de Morosaglia est daté de 1527, et est dû au même peintre que celui de Giocatoghju.

D'une façon générale, la scène de l'Annonciation a été, maintes fois, représentée par les artistes, comme on peut le voir dans beaucoup d'églises de l'île, entre leXV ème et le XVIII ème, ou même dans les confréries.

On saura plus tard, par l'archéologie, si cette dévotion à la Vierge de l'Annonciation, si répandue en Corse, a des origines plus anciennes que l'époque carolingienne, ce qui n'est pas impossible.

 

EGLISE SANTA MARIA ANNUNZIATA

 

 

 

 

 Eglise de l'Annunziata - Altiani -

 

Quant à Santa Maria Annunziata d'Altiani, c'est l'actuelle église paroissiale du village. Les transformations, visibles aujourd'hui, datent certainement du XIXème siècle. Mais à l'origine, c'était une église de style roman, si l'on en croit la description de Mgr. Mascardi, qui la visita en 1589, et qui indique qu'elle servait déjà de paroisse:

 « … elle se trouve au milieu des maisons... », « ... elle a une seule petite fenêtre, deux portes... », « ... des trous (de charpente) en façade... », « ... en guise de clocher, il y a un mur au-dessus du choeur (clocher-arcade?) ... », « ...l'autel est sous une abside... », « ... il y a une croix de bois doré, le nombre de feux est de 108 et les âmes, 410 environ. ».

 

 D' APRES GENEVIEVE MORRACCHINI-MAZEL

 

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  PHOTOGRAPHIES ET COMMENTAIRES REALISES PAR ELISABETH PARDON

LORS DE SA VISITE DE L'EGLISE PAROISSIALE D'ALTIANI

SANTA MARIA ANNUNZIATA, ORGANISEE PAR

L' ASSOCIATION " CAMPA IN ALTIANI ".

 

ALTIANI, Pieve de Rogna, anciennement Diocèse d'Aleria.

 

  Ce 31 juillet 2010, à la demande de l'active et formidable association, «  Campa in Altiani », nous avons pu partager, avec les gens d'Altiani, la richesse de leur église paroissiale.

  Un après-midi festif et animé! Ces notes leur sont dédiées.

  Les gens d'Altiani s'apprêtent à voir de près les peintures qui ornent les autels de cette belle église, hélas, dénaturée par l'actif pinceau ripolinant d'un décorateur qui a sévi dans de nombreuses églises de Corse:

 « Là où L. passe, les anges trépassent »

 

 

 Le clocher vu de la "Piazza di u Core"

 


Qu'importe, aujourd'hui, c'est le grand jeu: on va déplacer statues et autres saints objets encombrants pour pouvoir regarder et admirer ce richissime patrimoine des peintures d'Altiani. Une occasion rare de renouer, le temps d'un exposé déambulatoire, avec cette iconographie dont la plupart des gens ont perdu le sens et l'usage.

 J'étais venue rencontrer ce village en février 2010. Un coup de coeur!

Une fois enjambé le Tavignanu, sur le beau « ponte à u Larice », la route grimpe par lacets juqu'à Altiani qui domine ainsi la vallée du haut de ses 600m: lumière et vents assurés.

  J'avais, en février, évoqué la chapelle romane San Michele qui fait l'objet d'un solide projet de restauration, mais aujourd'hui, place à la peinture baroque de Corse!

  Lors de ma première visite, j'avais été émerveillée par la richesse iconographique de cette église. Voyez plutôt.... et n'oublions jamais que le but premier de ces peintures était d'éduquer les gens par l'image...

 

I. L'ANNONCIATION ( Francescu CARLI )

 

 

 

 

Tout d'abord, cette toile de l'Annonciation qui domine le maître autel: c'est le patronnage de l'église. Peinture de Francescu CARLI. Né en 1735, originaire de l'Etat de Lucca, en Toscane, il devient l'un des peintres les plus productifs ( plusieurs centaines d'oeuvres ) de l'Ecole corse du XVIII ème siècle, puisque c'est en Corse qu'il a choisi de vivre, de se marier ( avec une jeune fille Franceschi de San Lorenzu) et de travailler jusqu'à sa mort, en 1826.

  Ici, l'Annonciation met en scène les trois personnages requis: traversant la nuée peuplée d'angelots, la Colombe de l'Esprit Saint est déjà à l'oeuvre, dardant le divin rayon sur la Vierge agenouillée sur son prie-Dieu: à droite, une main ouverte pour l'acceptation, l'autre retournée vers le sol pour la frayeur. On peut la comprendre! Robe rose de son humanité, manteau bleu de son appartenance céleste.

A gauche, l'archange Gabriel, le beau messager chatoyant, d'une main, tend le lys de la pureté à Marie, et de l'autre, brandit son index droit vers le ciel, annonçant fermement le message d'en Haut:

  « Réjouis-toi, pleine de grâce. Le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes. (…) Et voici qu'un ange, debout devant elle, disait: « Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le Maître de toute chose. Tu concevras de son Verbe. » (Protoévangile de Jacques).

Remarquez qu'au même instant le Verbe sort bien du bec de la Colombe.

Notez aussi ce nuage lenticulaire en forme de gâteau roulé aérodynamique sur lequel surfe Gabriel avec beaucoup d'aisance. On retrouvera cette même représentation des nuages célestes chez Giacomo GRANDI, un autre peintre fort proche de CARLI et présent également dans cette église. En écho, le décor végétal du prie-Dieu.

Le style de CARLI est immédiatement reconnaissable: un univers pastel et rococo où les personnages mis en scène se meuvent avec grâce et délicatesse, des isages enfantins, des mains élégantes aux longs doigts graciles,

 

 

sans oublier les humbles outils du quotidien....

 

Marie, surprise dans sa prière, son ouvrage à ses pieds, le couvercle du panier entrouvert: filer inlassablement le voile du Temple, le fil du Destin, mêler, sur la trame des jours, le bon et le mauvais, l'âpre et le doux, la prière et l'imprécation, racommoder la déchirure, broder l'enfance.... bref, incessant travail de femme.

 

 

II. LA VIERGE DU ROSAIRE ET LES AMES DU PURGATOIRE (Francescu CARLI )

 

 

 

 

Une représentation habituelle de cette dévotion du Rosaire, ( on en trouve dans un très grand nombre d'églises ) mais, pour autant, savons-nous encore la lire?

 La Vierge et l'Enfant, bien installés sur leur drôle de nuage, remettent le Rosaire à Saint Dominique, à gauche, et Sainte Catherine de Sienne, à droite.

Dominique, le fondateur de l'Ordre des Dominicains est reconnaissable à sa robe blanche, son manteau noir et à la petite étoile qui brille au-dessus de sa tête. Il est accompagné de son fidèle chien, portant le brandon allumé de l'ardeur de la Foi.

  - « Domini canes »: en un temps sombre de l'Eglise, les Dominicains furent les Grands Inquisiteurs et firent allumer des bûchers de sinistre mémoire. Paix à la mémoire des uns et des autres. -

De l'autre côté, la Dominicaine Catherine de Sienne, est reconnaissable aux stigmates qui percent ses mains.

Regards tendres et gestes raffinés de gens bien éduqués, phalanges musiciennes et petits doigts en l'air de buveurs de thé.

 

 

 Venons-en aux quinze Mystères du Rosaire qui encadrent et justifient la scène:

Autour du visage enfantin et paisible de la Vierge et de l'Enfant, quinze tableautins pour réviser son Cathéchisme en récitant le Rosaire.

Dix Ave Maria pour chaque Mystère: cinq Mystères Joyeux, cinq Mystères Douloureux, cinq Mystères Glorieux. Bref, en tout, cent-cinquante Ave Maria.

(Aujourd'hui, il faudrait rajouter, à cette iconographie, les cinq Mystères Lumineux.)

 

 

 

 

Un investissement de temps précieux en ces temps difficiles où la survie du plus grand nombre dépendait d'une lutte acharnée avec la nature: terrains souvent en terrasses, pierreux, pentus, dont il fallait inlassablement entretenir, remonter les murs, avec les risques imprévisibles d'une météo capricieuse, voire d'une guerre fratricide où brûlent les moissons.

Mais, aussi, un vrai livre ouvert de Catéchisme en images, doublé d'un vrai acte de Charité envers ces pauvres Ames du Purgatoire qui grillent ( pendant quelques centaines de milliers d'années, parait-il. 800 000 ans pour une peccadille) leurs imperfections, en attendant de pouvoir enfin sortir de la fournaise, nettoyées et légères.

Réciter un Rosaire fait avancer le compte à rebours de façon notoire ( moins 200 000 ans, m'a-t-on dit!) et témoigne d'une réelle solidarité des vivants pour les morts.

 

 

Je rappelle ici le rôle de l'Eglise du Purgatoire: il s'agit de cette « scession de rattrapage » qui permet de débarrasser – par le feu, par l'absence – l'âme de ses scories (les péchés) pour ne garder que le métal pur de la spiritualité. C'est aussi une forme d'assurance sur l' Au-delà. Ainsi va notre pauvre humanité, toujours inquiète, édifiant inlassablement des systèmes pour se rassurer contre l'inéluctable.

En ce qui concerne notre monde occidental, je vous renvoie aux excellents ouvrages de Jean DELUMEAU: « La Peur en Occident, le péché et la Peur, Rassurer et protéger, l'Aveu et le Pardon, etc... », aux Editions Fayard.

 Cette pastorale de la Peur n'est plus guère de mise aujourd'hui: nous prenons des assurances multirisques pour la vie, la maladie, la mort, la voiture, le vol, le bris de glace. Bref, nous essayons de prévoir sur un laps de temps, somme toute plutôt court ( une vie d'homme, bien peu de chose au regard de l'Eternité).

 Avons-nous vraiment changé ou sommes-nous simplement devenus myopes? Je ne prendrai pas partie, mais dirai seulement ceci:

 « Les bons Pères de l'Eglise, qui ont développé cette pastorale par l'image, étaient de fabuleux publicistes! »

 

 

III. LA VIERGE A L'ENFANT ENTRE SAINT ROCH ET SAINT ALEXIS ( Francescu CARLI)

 

 

 

La Vierge à l' Enfant entre Saint Roch et un Saint que j'avais tout d'abord pris pour Saint Jacques Majeur ( à cause de son bourdon), mais qui est plus certainement Saint Alexis: il existe, non loin du village d'Altiani, une petite chapelle dédiée à ce Saint ( Sant'Alesiu), dont voici l'image naïve en sa chapelle.

 

 

chapelle Sant'Alesiu à Altiani


Détail du chien de Saint Roch, avec, en prime, un paysage de montagne bien local et une feuille roulée dont il faudrait décrypter le texte, mais qui est très certainement la lettre retrouvée entre les doigts du Saint mendiant, à sa mort, le désignant comme « Alesio Romano »:

 

 

« Ce mendiant, dont la légende remplace l'histoire, était l'objet d'un culte populaire extraordinaire, au point que le Pape Innocent XII dut déclarer le jour de sa fête, jour chômé au XVIIème siècle. Fiancé contre son gré, il s'était enfui de Rome en pleine cérémonie nuptiale et s'embarqua pour la Syrie. Il gagna Edesse, mendiant sous les porches. Devant la popularité qui l'entourait, il reprit la mer. Le navire,à cause des vents contraires, le ramena à Rome. Sa fiancée lui était restée fidèle. Ni ses parents, ni elle, ne le reconnurent dans ce miséreux, couvert de loques. Il y resta dix-sept ans, dormant sous l'escalier extérieur de la maison paternelle, visitant les églises, maltraité par les esclaves qui lui jetaient des détritus. Une voix céleste révéla sa présence à l'Empereur et au Pape, qui vinrent sous l'escalier et le trouvèrent mort, serrant un manuscrit racontant ses origines.( site: nominis.cef.fr) Saint Alexis est la patron ds pélerins, des mendiants, des portiers, mais, comme Saint Joseph, on l'invoque aussi pour recevoir la grâce d'une « bonne mort ».

 

 

IV. LA DECOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE ( Francescu CARLI )

 

 

 

Certainement l'un des fleurons de cette église. Si certains thèmes précédents (Annonciation, Rosaire), illustrés par CARLI, se retrouvent fréquemment dans d'autres églises de Corse, celui-ci est infiniment plus rare. La tête du Saint, pour peu de temps encore sur ses épaules, se trouve au centre de la toile entre les deux groupes: d'un côté, les deux femmes à l'instigation de ce meurtre, de l'autre, le bourreau.

La scène saisit l'instant crucial où le bourreau va trancher la tête de Jean-Baptiste qui s'apprête à gagner le ciel, par les voies les plus rapides ( un ange brandit déjà la couronne du martyre): Jean-Baptiste, le cousin du Christ, devient le premier « proto-martyre » du monde chrétien (martyrisé avant la mort du Christ). A ses pieds, la croix enlacée d'un phylactère annonçant le Christ. Cela se passait sous le règne d'Hérode Antipas.

 

 

 

Ces chipies de dames: Hérodiade (veuve de Philippe Antipas et épouse de son beau-frère Hérode Antipas) et sa fille, la divine Salomé, mine boudeuse. Hérodiade, la torche à la main, vérifie que le travail sera bien fait. Salomé, elle, nous regarde, indécise, nous prend à partie: danser pour l'amour, oui! Mais, pour la mort? Serait-elle, déjà, dans le regret?

 

 

  Le bourreau, aux traits accusés, « à la mauresque ».

 

 

Merci à l'historien de l'art, Michel Edouard Nigaglioni, qui m'a communiqué ce cliché et l'article suivant:

 

 

 Anonyme

( Ecole romaine du XVII ème siècle, copie d'après Gerrit Van Hornthorst)

La décollation de Saint Jean-Baptiste - XVII ème siècle -

 Huile sur toile ( 420 cm X 274 cm), châssis rectangulaire vertical

Eglise paroissiale Saint Jean-Baptiste de Bastia.

 

 

ICONOGRAPHIE

 

Saint Jean-Baptiste est représenté agenouillé, en prière, devant un bourreau brandissant une hache ( à droite).

Au-dessus du saint, un ange apporte une couronne de feuillage. A gauche de la composition, sont figurées Salomé tenant un plateau sous le bras, et Hérodiade brandissant une torche.

Cette oeuvre est la copie d'un grand retable, peint en 1618 par Gerrit Van Hornthorst ( dit: « Gherardo delle notti » ) pour l'église Santa Maria della Scala à Rome, à la demande du cardinal Scipione Borghese.

 

HISTORIQUE

 

Le peintre hollandais Van Hornthorst ( né à Utrecht en 1590, mort dans cette même ville en 1656 ) séjourna à Rome une dizaine d'années, entre 1610 et 1620, où il travailla pour l'aristocratie et les princes de l'église. Il acquit alors une réputation internationale. Surnommé Gherardo delle notti parce qu'il aimait prendre principalement des sujets nocturnes.

Ce tableau, qui représente le martyre du saint titulaire de l'édifice, fut vraisemblablement commandé pour orner originellement le maître-autel de l'église primitive ( érigée en l'église paroissiale en 1618 par Paul V).

Après la reconstruction de l'église (1636-1665 ), la toile ne prit pas place dans le nouveau choeur et fut installée dans une chapelle latérale. Le plus ancien plan connu de l'église date de 1693 et mentionne que la chapelle porte le vocable de «  La Decollazione ».

L'oeuvre est classée Monument Historique au titre d'objet mobilier, depuis le 30 juillet 1970.

 

Michel Edouard Nigaglioni

 

 Michel Edouard Nigaglioni estime que nous avons, ici à Altiani, avec la toile de la décollation, la preuve que Francescu CARLI a visité les églises de Bastia: il est vrai qu'il semble bien s'être inspiré de la toile de Bastia, mais en mettant sa touche personnelle dans la réalisation de cette scène.

 

 

« Francescu Carli est né dans l'Etat de Lucques, vers 1735. Il s'installe très jeune en Corse, à San Lorenzu (en Castagniccia) où il épouse une jeune fille du village. Carli est mort à San Lorenzu, le 17 août 1821, à l'âge de 86 ans. Il reste l'un des peintres les plus productifs de l'Ecole corse. On lui doit plusieurs centaines d'oeuvres ( tableaux d'autel, bannières de procession, chemins de croix ) (…) »

Michel Edouard Nigaglioni, dans CORSE (page 43 ), ouvrage collectif publié par Christine Bonneton.

 

Revenons à Altiani avec deux peintures de Giacomo GRANDI:

 

 

V. LA VIERGE DU SCAPULAIRE AVEC L'ENFANT JESUS ENTRE

SAINT ANTOINE DE PADOUE ET SAINT NICOLAS

 

 

 

 

Cette toile pleine de douceur nous présente la Vierge apparaissant avec l'enfant Jésus à Saint Antoine de Padoue et à Saint Nicolas.

 Une atmosphère intime règne dans cette pièce, ouverte sur un paysage familier des alentours. La Vierge, d'une main délicate, tend le Scapulaire à saint Antoine, cet objet de dévotion que l'on mettait au cou des enfants pour les protéger des entreprises du Diable et de la gente malfaisante des mauvais esprits et autres sorcières malveillantes...

 Pochette ( ici, double et peinte ) contenant des morceaux de cierge béni de la Chandeleur... et du sel ( on n'est jamais trop prudent: les sorcières, on le sait, détestent le sel ).

 

 

 

 

 

La Vierge, toute de bienveillance, ouvre largement les bras, tout en gardant, debout contre elle, l'enfant Jésus. Ce blondinet, tout frisotté et confit de tendresse, pose, bien gentiment, sa menotte sur la tête de l'humble Saint Antoine, en prière devant un livre sacré.

 Dans l'autre main, Jésus tient le globe terrestre. Le message est simple:

  … les hommes – et plus précisément nos bons villageois d'Altiani – peuvent s'en remettre à ces deux bons saints intercesseurs, Antoine et Nicolas.

 

 

 

 

De l'autre côté, l'évêque Saint Nicolas de Bari regarde intensément la Vierge. Il porte un somptueux vêtement épiscopal, manteau chatoyant de roses rouges, par dessus sa robe travaillée de dentelles raffinées. C'est l'Eglise glorifiée à travers la richesse et la beauté de son costume chamarré. Ce style fleuri est l'une des marques propres à l'inspiration de Giacomo GRANDI.

Le grand Saint Nicolas, si populaire dans toute l'Europe, porte la mitre, la crosse pastorale et un livre surmonté de trois boules d'or (or donné par le bon Nicolas pour empêcher la prostitution de trois jeunes filles pauvres que leur père s'apprêtait à livrer au bordel, faute d'argent... terrible histoire, non?). 

On connait aussi l'autre histoire, celle des « trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs », « mis au saloir comme des pourceaux » et ressuscités par Saint Nicolas.

Nous la chantions, tous les ans, le soir du 6 décembre, en bonnes petites filles de notre papa lorrain, pour fêter dignement notre grand Saint Nicolas et en espérant bien que le père Fouettard ne viendrait pas, à sa place, nous tourmenter.

 

 

 

… tandis que, par la fenêtre, la vie continue.

 

 

VI. LA MORT DE SAINT JOSEPH EN PRESENCE DE

LA VIERGE MARIE ET DE JESUS

 

 

 

Saint Joseph est au bout du rouleau, il vit ses derniers instants. A son chevet, la Vierge le soutient de ses prières et, à ses côtés, Jésus, plein de compassion, l'accompagne de sa bénédiction.

Ceci se passe avant le début de sa vie publique. Un angelot bouclé s'apprête à donner au vieillard l'huile de l'extrême onction. Joseph git sur son joli lit aux pieds artistiquement travaillés.

  C'est que, toute sa vie, le bon Joseph a travaillé comme « falegname », « bancalaru », bref comme un honnête et excellent menuisier. Il a même, dit-on, exercé jusqu'à son dernier souffle. En témoignent ses outils qui jonchent le sol: scie, hache, marteau, tenailles, rabot, équerre, compas. Rien ne manque.

Saint Joseph est le patron des menuisiers et Dieu sait s'il a du travail en cette région de Corse où poussent tant d'arbres magnifiques.

 

 

outils de menuisier

 

A la tête du lit, un élégant récipient qui pourrait être un pot de chambre.

Saint Joseph n'est plus en état de se lever... scène bien familière pour accompagner la fin de celui que l'on vénère, ici aussi, comme « le patron de la Bonne Mort »: mourir dans son lit, entouré de l'amour des siens, et muni des sacrements de l'Eglise, un espoir pour des populations soumises à bien des risques de mort subite.

 

Giacomo GRANDI, peintre originaire de Milan, a choisi de vivre en Corse où l'on suit sa riche production picturale de 1742 à 1772. Après avoir vécu en Balagne, dans le village de Monticellu où il s'était marié, il se remarie, en 1758, après le décès de sa première épouse, avec une jeune fille de Quercitellu, village qui surplombe la Porta, en Castagniccia. Il y vit de nombreuses années avant de s'éteindre (1772 ) à Borgu où il est enterré.

Beaucoup d'indices nous font penser que GRANDI et CARLI se connaissaient. CARLI avait peut-être même travaillé dans l'atelier de GRANDI avant de voler de ses propres ailes. En tout cas, leurs styles sont proches, sans toutefois se confondre. Pour l'anecdote, leurs nuages, en forme de galettes bretonnes, semblent sortir de la même fabrique.

 

 

VII. SAINT MICHEL TERRASSANT LE DRAGON

DE SON EPEE DE FEU

 

 

 

Peinture anonyme du XVIII ème siècle.


M.E. Nigaglioni pense qu'il s'agit, peut-être, du « MAITRE DES ANGES MUSCLES » ( sic ), bon peintre, fort prolifique, de la seconde moitié du siècle, que nous rencontrons souvent en Balagne.

 

 

La sale bête!

 

En attendant de découvrir enfin, dans quelque fond de tiroir de sacristie, le nom de cet artiste qui ne signe jamais, mais compose toujours, fort habilement, ses toiles et ses séries de Chemin de Croix, je remarque que notre Saint Michel d'Altiani a bien sa place dans l'église paroissiale, doublant ainsi la dévotion, déjà en place dans la chapelle romane qui lui est dédiée, un peu plus bas dans la campagne.

Nos amis d'Altiani ont entrepris de sauver cette chapelle, aujourd'hui ruinée, mais qui dut être fort belle et ornée de fresques. Nous en avons retrouvé quelques traces, en particulier au fond de l'abside.

Restes trop lacunaires pour pouvoir imaginer l'iconographie de l'ensemble.

Cela dit, surmontant le maître-autel de cette chapelle romane de Saint Michel, l'on aperçoit encore l'épée brandie par l'Archange.

 

 

Deux épées qui se ressemblent étrangement!

 

 

 

L'ensemble, quoique fort dégradé, laisse voir, encore, ce décor fleuri et élégant ( 2010 ).

 

 

Revenons à l'église paroissiale pour une toile accrochée en dehors de toute dévotion d'autel. Sans doute, un legs du cardinal FESCH, mais dont on ne saisit pas, à ce jour, le sens.

 

 

VIII. BELLE TOILE DU XVIII ème SIECLE

( en mauvais état, hélas!)

 

 

Les personnages gardent beaucoup de présence,


 

 

figés dans une gestuelle noble et efficace... mais demeurée mystérieuse!

 

Voilà, mes bons amis d'Altiani! Bon courage pour votre entreprise de sauvegarde du patrimoine!

 

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