ENSEMBLE: ERBAGHJOLU-FUGHJICCHIA-ALTIANI.




APPROFONDISSEMENT DE L'ETUDE

par Regina Luciani

 

ENSEMBLE: ERBAGHJOLU – FUCCICHJA – ALTIANI -

 

Lorsque nous avons fait le choix de nous intéresser à la moyenne vallée du Tavignanu, nous savions qu'elle comprenait trois sites essentiels ( Castellare,Tuzzani, auxquels il faut ajouter Nuvalella), et que nous aurions pour tâche de les étudier précisément. Mais l'intérêt archéologique de cette région se devait de reposer sur davantage d'éléments.

La moyenne vallée du Tavignanu, nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, semble être une région propice à l'occupation humaine. C'est pourquoi nous avons voulu approfondir cette étude par une observation attentive du terrain, dans le but de découvrir les indices susceptibles de nous laisser supposer la présence d'autres sites.

 

 1)L'INDICE GEOGRAPHIQUE:

     L'étude des voies naturelles, et de leur fréquentation, peut être déterminante dans l'élaboration d'hypothèses relatives à l'implantation humaine préhistorique d'une région. Une voie de passage peut se définir ainsi: c'est un espace utilisé dans le but de relier deux lieux distincts. L'élément géographique reste l'élément de base de la sélection d'une voie de passage: ne rentrent en compte que les impératifs de sécurité et du moindre effort. La possibilité de circulation pédestre de l'individu est le seul critère pour lequel les contraintes physiques doivent être surmontées.

     Un relief, quel qu'il soit, comprend toujours dans sa configuration, un ou plusieurs espaces susceptibles de faciliter la pénétration, et les lignes de partage des eaux en sont souvent les meilleurs exemples. Là où les vallées perpendiculaires au relief se rejoignent sur les sommets, des espaces déprimés peuvent former sur les crêtes des passages naturels. Ceux-ci tendent à devenir des points de passage obligatoire, puisqu'ils permettent de relier des versants opposés.

     Les voies de passage obligatoire sont celles qui permettent les déplacements les plus faciles et les plus rapides: il peut s'agir aussi bien d'une vallée que d'une dépression naturelle sur une crête. Mais la nature du terrain joue également un rôle prépondérant dans la sélection d'une voie de passage. La végétation, l'hydrographie, la déclivité du sol, sont autant de paramètres qui déterminent une voie de circulation. Celle-ci doit être dégagée de tout obstacle, pour une pratique aisée et surtout directe.

     Nos déplacements actuels n'ont dû que peu évoluer par rapport à ceux des Préhistoriques. C'est pourquoi il est indispensable de tenir compte de nos propres chemins, sentiers et voies de terre, par exemple, pour étudier la fréquentation des voies naturelles de cette époque. On considère souvent que les voies les plus simples d'accès sont les plus anciennes et les plus utilisées. Ainsi, la N.200, qui suit approximativement le cours du Tavignanu, est une voie goudronnée aujourd'hui qui, hier, de manière quasiment identique a dû constituer un axe de circulation majeur, parce que dégagé de tout obstacle et permettant la communication entre divers ensembles géographiques (intérieur des terres et plaine orientale).

     En effet, éléments géographiques et activités humaines sont intimement liés dans la détermination des voies de circulation. Celles-ci peuvent s'avérer très révélatrices de la nature des communications entre sociétés préhistoriques. Elles sont souvent le reflet d'une économie, parce que vouées à la circulation de la matière première, aux échanges, et au commerce. Elles deviennent alors de véritables flux industriels.

     Le choix d'implantation des sites ne dépend donc pas toujours de facteurs stratégiques, mais, bien souvent, économiques. En effet, si la majorité des gisements se trouvent à proximité de voies naturelles telles que vallées, cols ou bassins, c'est que les nécessités économiques ont autant d'imprtance que les éléments géographiques.

     Les voies intérieures se sont donc développées de sorte à permettre deux types de déplacement.

                                - Communication entre régions voisines, micro-régions voisines, et villages voisins.

                                - Chemins dits « de service », c'est à dire régulant la vie quotidienne, en direction des cours d'eau, des fontaines, des bergeries,...

     Les réseaux de communication ont donc été élaborés en fonction de facteurs géographiques et physiques (topographie et hydrographie), et de facteurs économiques. Mais quoi qu'il en soit, le tracé naturel demeure le tracé prioritaire, et c'est autour de lui que la société se construit.

 

 

 2) L'INDICE TOPONYMIQUE:

     La toponymie est une science auxiliaire indispensable à l'archéologie, car elle est révélatrice à la fois de la nature du terrain et de son utilisation par l'homme. C'est pourquoi la topographie est un élément de base de l'élaboration des toponymes, au même titre que tout autre critère physique retenant particulièrement l'attention.

     La micro-toponymie devient alors un témoin capital de la recherche archéologique, car elle révèle immédiatement les caractéristiques d'un lieu. Un toponyme exprime simultanément la morphologie du terrain et l'activité humaine pouvant y être liée. Même si un toponyme finit toujours, avec le temps, par perdre de son essence, il suggère cependant les particularités physiques les plus visibles du lieu auquel il se rattache. On peut donc envisager que certaines d'entre elles avaient déjà, à ce titre, attiré l'attention des Préhistoriques.

     Il existe divers exemples de ce rapport Préhistoire/Toponymie:

 

          - Les toponymes en « CASTEL »: ils renvoient souvent à une occupation médiévale à caractère défensif. Mais la plupart de ces lieux ont une morphologie ayant déjà séduit les Préhistoriques. Il s'agit souvent de reliefs dont la configuration générale permet un contrôle des alentours, crêtes et vallées environnantes.

            Dans notre secteur, on peut noter la présence des toponymes suivants: Castellare, Pointe du Castellu, Castellucciu, Punta di Castellucciu.

 

          - Les toponymes en « CAV-/GAV- »: ils annoncent pour la plupart des creux ou des cavités. Utilisés à toutes les époques par les bergers, certains ont souvent servi d'abris aux Préhistoriques.

            Dans notre secteur, on peut noter, à plusieurs reprises, la présence de quatre toponymes: Cavone, Cave, Cava, et Cavelle.

 

          - Les toponymes en « PIETRA » et leurs dérivés: ils suggèrent la présence de pierres importantes, ou de rochers, souvent groupés ou amoncelés de manière assez notoire pour que les Préhistoriques s'y soient intéressés, à moins d'en être, eux-mêmes, à l'origine.

            Dans notre secteur, on peut noter la présence des toponymes suivants: Pietra Octava, Pietra Marza, Petre Bianche, Pietre Strette.

 

          - Les toponymes en «  MUR »: ils renvoient à des structures, naturelles ou non, dont la morphologie peut s'apparenter à des murs. Naturelles, elles ont pu intéresser les Préhistoriques. Eles peuvent être aussi le fruit de leur propre production.

            Dans notre secteur, on peut noter la présence des toponymes suivants: Muracce, Grotta Murata.

 

          - L' hagiotoponymie: les lieux sacrés, oratoires, chapelles, et même les lieux saints dont il ne reste, aujourd'hui, aucune trace, se trouvent souvent sur d'anciens lieux de culte, ou utilisés comme tels à des époques antérieures.

            Dans notre secteur, ces toponymes sont nombreux: Saint-Alexis, Saint-Michel, Saint-Jean, Sainte-Marie, San Martino, Saint-Georges, Saint Christophe, Santa Lucia.

 

 3) APPLICATION avec un EXEMPLE:                   

L'ENSEMBLE ERBAGHJOLU/ FUCICCHJIA/ ALTIANI

 

    Erbaghjolu et Altiani se situent chacun sur une ligne de relief dont la pente s'étend jusqu'au Tavignanu.

           - L'hagiotoponymie des environs d'Altiani suit, de manière régulière, cette ligne de relief. Celle-ci peut révéler, alors, une voie de circulation empruntée de tout temps.

           - Saint-Michel, l'église de l'ancien village d'Altiani ( u Petraghju), se situe dans la prolongation de la Grotte Murée. Ici, une occupation médiévale est avérée ( les habitants de l'ancien village ont rejoint l'actuel site d'Altiani au XVIème siècle). Elle se situe sur un axe qui a pu être emprunté antérieurement.

           - « Pietre Strette » se situe sur une ligne de faîte, à mi-chemin d'un oratoire et de Saint-Christophe, lui-même proche de San Martino (ancien village d'Erbaghjolu). Ici, les lieux de culte sont regroupés. Il peut s'agir d'une voie de circulation empruntée anciennement.

           - Des fontaines, certainement d'usage ancien, se situent toutes sur la ligne de crête principale, ou sur les lignes de faîte. Ces tracés naturels ont nécessairement été empruntés lors de périodes antérieures.

 

     On constate que ce secteur conjugue trois types de fréquentation:

 

                               - vers le cours d'eau principal, les cours secondaires, ou les fontaines.

                               - entre villages, anciens villages, ou anciens sites d'habitat.

                               - entre lieux de culte.


 

 

      Il s'agit de voies de circulation éventuelles, et celles-ci nous laissent supposer la présence de sites probables tels que:

 

                                              - Pietre Strette : X = 573,63 Y = 4221,25 Z = 870 m.

                                              - Grotta Murata: X = 574,30 Y = 4217,58 Z = 730 m.

 

      Cette dernière est située au-dessus de la D.314. En remontant un ru, depuis la route, on peut l'apercevoir. Mais la végétation, particulièrement dense, empêche tout accès.

 

                                              - Santu Michele: X = 574,13 Y = 4216,83 Z = 520 m.

                                              - Sant' Alesiu: X = 572,63 Y = 4216,83 Z = 520 m.

 

      La chapelle Sant'Alesiu se situe sur un amas rocheux de même composition géologique que Tuzzani et Castellare.

 

 4) CONCLUSION:

 

     Nous précisions déjà, au début de notre étude, qu'une bonne perception du terrain était essentielle à toute recherche archéologique. Or, c'est par l'association de deux types d'observation (géographie et toponymie), que nous avons essayé d'élargir notre vision de l'implantation humaine dans la moyenne vallée du Tavignanu.

     Certes, notre étude des voies de passage n'est pas assez approfondie pour nous permettre d'affirmer l'existence de véritables voies commerciales dans ce secteur; et les éléments archéologiques, dont nous disposons pour l'heure, ne sont pas encore suffisamment probants. Toutefois, elle nous a permis de suggérer la présence éventuelle de quatre sites.

     Des études plus poussées s'avèreront nécessaires, afin de vérifier toutes ces hypothèses.


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