L'ARCHE.




En Corse, il existe plusieurs types de sépultures.

La première, dont il est plus particulièrement question ci-dessous, l' "arca", est la plus ancienne. Elle a subsisté jusqu'au milieu du XIX ème siècle. L' "arca" est une crypte mortuaire dans une église ou dans une chapelle mais également dans un cimetière communal et qui équivaut alors à une fosse commune ( ossuaire).

D'autre types de sépultures sont plus tardifs, nés sous la férule des lois de la Révolution et de l'Empire: des tombeaux privés, sur des propriétés plus ou moins éloignées de l'église. On s'en doutera: ces propriétés consacrées par une tombe sont inaliénables. Il arrive que l'on rencontre dans un même village, à la fois des sépultures en terre et des mausolées à case ( sépultures aériennes).

 

 L' Arca est une tombe collective, sorte de chambre souterraine voutée à orifice étroit fermé par une dalle de pierre creusée dans le sol de l'édifice religieux. Cette ouverture, suivant les édifices, se trouvait près de l'entrée, de la nef ou encore avait une position centrale.

 

 

 

 

 Arca des prêtres, au centre de la nef de l'église Santa Maria Annunziata, à Altiani,

définitivement scellée au XIX ème siècle. 

 

Lors des décés, et à la suite du rite funéraire, le corps du défunt basculait dans l'arca par cette ouverture qui était ensuite refermée. Cette " sépulture pour tous" témoigne d'une tradition d'inhumation collective fortement enracinée au cours des siècles dans le milieu rural insulaire.

Le mot Arca ne peut nier son origine latine: il est issu de "arca" ou "archia" (coffre, bac ou encore cercueil) et, certainement aussi, compte tenu de sa connotation religieuse du terme latin "arcus" ( arc, arche). Enfin, on oppose, en Corse, "l'arca di u paradisu" qui était celle recueillant les dépouilles à l'intérieur du lieu de culte, et "l'arca di l'infernu", tombe creusée à même le sol pour les corps de ceux auxquels on refusait la "sépulture noble".



 

Arca des hommes                                                                                                 Arca des femmes

( Eglise de l'Annunziata d'Altiani)

 



Selon les historiens, dès 895, le concile de Tibur ( actuellement Tivoli) avait reconnu officiellement aux clercs de l' Eglise universelle le droit de sépulture dans les églises et cette autorisation avait été, dès la fin du X ème siècle, accordée aux seigneurs. Tout au long du Moyen-Age, la Corse s'inscrit dans ce courant mais, dès la fin de cette période, en Italie et en Corse notamment, ce privilège cesse d'être "nobiliaire" pour devenir également celui des "pauvres, des membres des Confréries et des pélerins". Cet usage et ce droit d'être inhumé dans les édifices religieux fut étendu à tous les paroissiens vers le XV ème siècle.

 

 


 

Les deux dalles de pierre des anciennes "Arche", situées dans le cimetière communal d'Altiani.

( photos transmises par l' Association Campa in Altiani - Jean-Yves Courtois -)

Mais, au lieu d'être un tombeau individuel, il s'agit d'une fosse commune aménagée souterrainement au pied de l'autel ou dans un petit édifice proche de l'église. Cet usage n'était pas sans problème d'hygiène et risque d'épidémie pour les communautés villageoises. Aussi, en 1776, un édit royal interdisit les sépultures dans les églises insulaires et, en 1789, un décret révolutionnaire ordonne, pour toute la France, l'établissement de cimetières communaux, loin de tout lieu habité. La Corse fut soumise à cette réglementation générale, mais les transgressions furent nombreuses et on continua à enterrer dans l'Arca.Un décret impérial du 12 juin 1804 de l'Empereur Napoleon 1er tenta également d'y mettre fin, mais sans grand succés, lui non plus.

C'est en 1830 que le préfet de Corse, Jourdan du Var, mit un terme aux derniers abus et toutes les "Arche" furent fermées.

 

Photo prise lors de la condamnation définitive des deux "Arche" du cimetière communal d'Altiani, dans les années 1980.

( photo de "Campa in Altiani" - Jean-Yves Courtois - )


haut de page