PASQUALE PAOLI IN ALTIANI.

 

 

 

 

Voici deux documents fort intéressants concernant la pieve de Rogna et Altiani et leur rôle dans l' Histoire de la Corse:

 

     1) Le premier est extrait de l' " Histoire de l'îsle de Corse "- Volume 2 - de François René Jean de POMMEREUL  -

     " Tandis que toute la science militaire de Paoli échouait devant le village de Macinajo, Antoine Matra, officier de la république... débarquait sur la côte d'Aleria avec quelques génois, s'emparait du fort d'Aleria, s'avançait jusqu'à Pie-di-Corte di Rogno, avec un parti qui grossissait ses succès, et s'y retranchait... Paoli éloigné, occupé du siège éternel de Macinajo, ne pouvait secourir son pays attaqué, et cependant Antoine Matra s'emparait du Fiumorbo, et s'étendant jusqu'à Vivario coupait ainsi à Paoli la communication avec l'en-delà des monts." 

" La petite guerre que Gênes suscitait à Paoli dans cette partie de la Corse, l'obligea de lever enfin le siège de Macinajo et de courir promptement au secours de son frère, qu'Antoine Matra avait déja chassé d'Altiani. Il se présenta donc avec de nouvelles forces devant ce village ; plusieurs de ses soldats ayant rencontré quelques-uns de ceux de Matra, éloignés du gros de leur troupe, on commença de part et d'autre à se fusiller ; le bruit de la mousqueterie attira les deux partis, et Paoli eut encore le bonheur de détruire totalement, dans cette folle journée, celui de Matra. Vingt hommes qu'il perdit et cent cinquante qu'il tua à son ennemi, finirent toute cette guerre [ mai 1762 ]. Antoine Matra ayant rassemblé quelques fuyards , se refugia avec eux dans le fort d'Aléria , tandis que Paoli victorieux et vindicatif punissait ses adversaires en dévastant leurs biens et brûlant leurs maisons. Rien ne ressemble mieux aux guerres que se faisaient en France sous le gouvernement féodal les puissants seigneurs de deux châteaux voisins, que ces terribles batailles entre Antoine Matra et Pascal Paoli."

 

      2) Le second est rapporté par Orsu Ghjuvanni CAPOROSSI dans sa "Cronica di Corsica".


  En avril 1762: " Antonucciu de Matra est à Pedicorti-di-Gaggiu; il est désormais le maître des pieves de Rogna, Serra, Castellu et Boziu."

  9 mai 1762   : " Pasquale Paoli, qui a entrepris le siège de Macinaghju, confie celui-ci aux soins de Ghjeseppe Barbaggi et de Ghjuvan'Carlu Saliceti. Les Naziunali s'emparent du poste de la Coscia qui domine le port de Macinaghju et son commandement est attribué à Saveriu Saliceti. Pasquale Paoli s'installe à Ruglianu pour activer les opérations, mais, alerté par les rapides progrès des Matristes, il quitte le Capicorsu pour le Rustinu, puis Altiani."         

 12 mai 1762  : " Pasquale Paoli est maître des trois points forts qui dominent Pedicorti, à savoir Lunellu, le fortin de Santa Maria et le Couvent. Il attaque alors les Matristes à Pedicorti. Ces derniers sont battus et se retirent à Aleria. Cette action fait couler beaucoup de sang corse, de part et d'autre."

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     Essayons , en revenant quelque peu en arrière, de nous situer dans le contexte historique de l'époque, afin de mieux comprendre l' épisode rapporté par ces deux documents:

 

     La pieve de Rogna, où les Matra et leurs alliés, les notables de Corti, étaient influents, a participé activement au soulèvement du Boziu en 1729. Elle fut d'ailleurs exclue du pardon accordé par Gênes, en 1731. Au début de la rebellion, les Génois avaient envoyé une expédition pour renforcer Corti; or, les troupes arrivées à Vivariu furent assaillies par les révoltés de Venacu et de Rogna, dépouillées de leurs montures, armes et uniformes, et reconduites jusqu'au col de Vizzavona, en direction d'Aghjacciu.

     L'épisode, dont il est question dans les deux documents ci-dessus, se situe quelque trente ans plus tard et montre que la pieve de Rogna est une fois de plus totalement impliquée dans le nouveau conflit qui oppose les partisans de Paoli et ceux de Matra.

     Il se déroule durant la guerre dite " des Bandits ", après l'échec des Matristes en 1757, date à laquelle ces derniers s'étaient mis à provoquer, de nouveau, une grande agitation dans notre pieve. Ce deuxième combat pour Pedicorti, occupé par les Matristes, se déroula le 12 mai 1762. 

     Sur cette guerre dite de "la Banditaglia", il existe une assez copieuse correspondance de Pasquale Paoli ( une cinquantaine de lettres), dont il résulte que le Général attacha une importance capitale à la nouvelle rebellion.

 

 

 


                             Pasquale Paoli

 

 

 

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     La pieve de Rogna, par sa situation de fortification naturelle entre le Fium'Orbu, la Serra et, au sud, la plaine d'Aleria, commandait le passage de l'une à l'autre des zones dévouées à Matra. Posséder Rogna permettait de disposer d'un ensemble régional avec façade sur la mer où Aleria se trouvait être le point fort. Il était alors possible d'asphyxier et de menacer Corti, d'isoler le Boziu et de tenir, ainsi, en respect " u Pumonte ". 

     Les rebelles matristes avaient recruté dans la Serra et s'avancèrent vers Zuani, où Clemente Paoli les repoussa.; ils avancèrent alors sur Vivariu. Ciavaldini, Lieutenant Général de Paoli, passa le Tavignani et les attaqua à Nuceta... hélas, il fut tué, le 4 avril. Paoli, qui se trouvait à Ruglianu, fut très touché:

" ... la honte acquise à Nuceta est sans pareille... elle a coûté cher..."


     Après la reprise d' Altiani ( d'où Clemente avait été chassé par les Matristes, dans un premier temps) par ses généraux,  Paoli envisage de reconquérir Pedicorti où Matra s'est retranché:

"... si les notres ne sont pas plus certains de réussir, ils devraient abandonner Altiani, Fuccichja et Erbaghjolu, la maison Carlotti, et entreprendre une action au-delà du fleuve."

 

     Fin avril, tous les chefs sont rassemblés à Altiani. Il est demandé au chef de la Balagne d'occuper le Boziu avec 400 hommes, et la décision est prise d'attaquer Pedicorti. Paoli écrit:

" Maintenant, il faut donner la dernière main à l'affaire de la banditaglia..."


 

 

Statue de Pasquale Paoli, à Corti


     Il prend alors, lui-même, les opérations en charge. Il quitte le Capicorsu fin avril 1762 et arrive à Altiani, le 8 mai. Il y séjourne quatre jours durant lesquels il met au point, avec son entourage, son plan d'attaque. Le 12 avril, trois détachements se mettent en route pour Pedicorti:

                        - le premier est confié à Clemente Paoli qui se poste à la chapelle Santa Maria.

                        - le deuxième, commandé par Ghjuliu Serpentini, prend position au Lunellu.

                        - le troisième, enfin, avec à sa tête Quilicu Casabianca, se dirige vers le Couvent.

 

 

Le couvent de Pedicorti

 

     Assailli des trois côtés, Pedicorti-di-Gaghju est pris vers le soir, après cinq heures de feu violent. A la faveur de la nuit, les Matristes décrochent et abandonnent leurs positions. Le 14 mai, Paoli pouvait écrire:

" Le destin de la Patrie et la justice de notre cause ont triomphé cette fois des ennemis communs. Je suis entrain de remettre en bon état cette pieve de Rogna."

 

     Les Matristes ne désarmèrent pas pour autant. Paoli écrit à Panzani, le 19 juillet:

" Anghjulucciu, celui qui se vante d'avoir tué Ciavaldini, et ses hommes sont montés à Antisanti, passés à Vezzani, menacent d'aller jusqu'à Vivariu et de détruire le ponte à Lerge ( le pont d'Altiani). Ils ont 250 hommes et prétendent m'attaquer; j'attends et ne peux m'éloigner."

 

     Au mois d'aoùt, le détachement de Pedicorti est, de nouveau, harcelé au Couvent. Le 3 septembre, Paoli envoie, de Zuani, ce message à Venturini:

" Si vous le jugez à propos, vous pourriez prendre des otages à Pedicorti et à Altiani. Vous verrez sur qui doit tomber le choix. On me dit que Mudestu Santini (?) ne doit pas être oublié."

 

     Cependant, début septembre, il semble que la grande majorité des habitants de la pieve de Rogna se soit ralliée, car, le 7 de ce mois, Paoli écrit:

" Je ressens un plaisir extrême à savoir que les gens sont déterminés à agir pour la Patrie et.... dites aux 4 villages que la Nation ne sera pas ingrate, s'ils le méritent par leurs opérations..."

 

Ainsi, la partie semble en voie d'être gagnée.

 


COURTE BIOGRAPHIE DE PASQUALE PAOLI

 

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